• — Bon sang Taylor, tu le fais exprès ou quoi ?

    — Mais non, j'te jure !

    Je levai les mains en l'air, comme si ça pouvait suffire à prouver ma bonne fois : même avec toute ma volonté, je n'étais absolument pas manuelle et malgré ça j'avais choisi "architecture" comme option facultative.

    L'architecture et la construction de maquettes ne m'intéressaient absolument pas, cette heure et demie tous les jeudis soirs était enfaîte une excuse pour avoir un cours commun avec Naomi, la personne qui me servait de meilleure amie dans ma vie banale de lycéenne dans ma ville encore plus banale d'Arizona. Construire des maquettes était aussi utile à ma vie que l'algèbre ou le mot concupiscence mais c'était amusant, même si j'étais vraiment nulle et je que manquais de faire tomber nos constructions à chaque fois que je m'approchais trop près de la table.

    — Tu sais quoi, ne touches plus à rien et fais comme si t'étais très occupée, je vais finir toute seule.

    Sa proposition m'arracha une grimace et un sentiment d'inutilité profond : un travail de groupe était censé être quelque chose qu'on fait à plusieurs mais elle avait surement raison, c'était mieux pour nous deux et pour notre future note.

    Alors, l'air de rien, je m'écartai de notre pentagone miniature et parti à la découverte du fond de l'atelier dans lequel les options manuelles avaient lieu.

    Il y avait des machines en tout genre, des outils aux noms compliqués, des travaux d'anciens élèves plus ou moins réussi, des pièces d'ordinateurs en vrac, des vis étalées un peu de partout sur le sol grisâtre et les tables en bois abîmées.

    Et puis tout au fond de la pièce, un vieux carton un peu déchiré sur les bords. Sur un des côtés avait été écrit "OBJETS TROUVES" au marqueur rouge.

    J'adorais ce genre de boîtes, ça faisait un peu coffre au trésor et malgré l'apparence miteuse de celle-ci, ma curiosité me poussait quand même à me pencher pour voir les merveilles qu'elle contenait.

    Au final rien de bien extraordinaire : une écharpe, un exemplaire d'un manuel de chinois, une veste en jean jolie mais surement trop petite pour moi, trois règles en plastique, un sac en tissu, une boucle d'oreille qui avait perdu sa jumelle et une clé usb pikachu.

    La vue de cette dernière me fit doucement sourire et ma main attrapa d'elle même le petit objet. Jaune et à l'effigie du célèbre pokemon, c'était quelque chose de terriblement enfantin mais j'aimais ça. En le retournant entre mes doigts pour l'examiner, un bout de post-it collé au dos attira mon attention: l'écriture était penchée et un peu bâclée mais trois mots y étaient clairement lisibles : "mots pour elle".

    C'est cette petite inscription sur ce petit post-it qui me poussa à mettre la clé usb dans ma poche, trop envieuse de savoir quels étaient les mots qui avaient mérités de se retrouver aux objets trouvés.


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  • La clé usb pikachu m'avait tourmentée toute la soirée. J'avais tourné en rond dans ma chambre pendant de longues minutes si bien qu'au final j'avais un énorme mal de crâne en plus de mes interrogations sur la morale de mes futures actions

    Est-ce que lire ces "mots pour elle" était vraiment une bonne idée ? Le contenu de cette clé ne m'était surement pas destiné mais j'avais un milliard de questions dont la lecture de ces mots seraient surement la réponse. Déjà, quel genre de personne écrivait des textes pour une fille sur une clé usb pikachu ? Pourquoi cette même personne avait entrepris d'écrire ça et surtout pourquoi ça s'était retrouvé dans un carton délaissé au fond d'une salle de classe dans laquelle seuls les gens bizarres comme moi et couples qui veulent se rouler des patins au calme, allaient.

    J'avais même hésité, dans mon désespoir, à appeler Naomi pour lui en parler avant de me résigner : ma meilleure amie et son sens aigu de la déontologie m'auraient sûrement passé un savon en sachant ce que je m'apprêtais à faire. J'adorais Naomi mais c'était une chieuse finie, c'était surement pour ça qu'elle arrivait à me supporter : je l'étais aussi.

    Oui, j'allais le faire. Au diable la morale et la propriété privée, tout ça me sembla être bien excentrique alors que j'ouvrais la clé usb sur mon ordinateur portable.

    Un seul dossier "mots pour elle" sur lequel je cliquai sans hésitation.

    C'était à la fois terriblement malsain et affreusement excitant. Je n'étais pas forcément le genre de personne à avoir une vie super palpitante, cette fille random qui sert de figurante dans les films pour ados, le genre vers qui on avait forcément envie d'aller. Et même si j'aimais bien ce statut, être pour une fois au centre de quelque chose me plaisait. Même si c'était au centre de quelque chose qui ne me concernait pas. Surtout si ça ne me concernait pas.

    Il y avait une dizaine de documents words avec des noms communs en guise de titres: "peine", "amour", "mirage", "tempête". Si c'était ça les "mots pour elle" alors ça puait la déprime et la niaiserie à plein nez et j'avais hâte de plonger dedans. Alors j'en pris un au hasard, ne me souciant pas vraiment de l'ordre et ouvris "tempête".

    "Tu te souviens de la première fois que tu m'as adressé la parole ? Surement pas. C'est pas grave, moi je m'en souviens. Mieux que comme si c'était hier, quand je ferme les yeux je peux revoir les tiens qui me fixent avec ton petit air de fausse fille gentille et ta bouche qui laisse échapper un long soupir super dramatique, comme si t'avais tout le poids du monde sur tes épaules et que ça t'exaspérait. Ça t'exaspérait pas du tout enfaîte, au contraire, t'aimes bien te sentir importante, je le sais. Enfin, là n'est pas le sujet. Ce jour là t'as soupiré comme une drama queen parce que j'avais pris ta place en classe de maths. J'avais pas voulu bouger, même si ton regard aurait pu me tuer sur place, alors tu t'es assise à la table devant moi et avant que la prof n'arrive, tu t'es retournée, t'as planté tes yeux dans les miens et tu m'as dit "la prochaine fois je te pousses de ta chaise". Je savais que t'étais pas vraiment sérieuse et que c'était juste pour me dire que tu te laisserais pas avoir une deuxième fois mais ça m'a fait rire. 

    Alors les fois d'après je me suis assis à la même place, juste pour voir ta moue faussement contrariée et tes yeux océan qui me détaillent de la tête aux pieds. Dieu que j'aime tes yeux. Ou que j'aimais. Je ne sais pas si je suis encore censé parler au présent étant donné que tu as décrété que nous deux c'est du passé. Et puis merde, de toute façon j'aime toujours autant tes yeux tout comme je t'aime toujours autant.

    T'es arrivée dans ma vie comme une tempête, d'un coup, d'un seul et t'as tout chamboulé sur ton passage. Et moi j'étais tellement bien, happé par l'ouragan qui portait ton nom, que quand tout s'est calmé, je me suis retrouvé seul au milieu du chaos que t'avais crée. Et j'ai eu mal. J'ai toujours mal. T'as laissé une plaie béante derrière toi et j'essaye de passer à autre chose mais vouloir oublier au fond c'est y penser tout le temps alors j'y arrive pas. 

    Putain de cours de maths. Putain de tempête.

    Sincèrement perdu,

    XXX"

    Les premiers mots qui me virent à l'esprit alors que je fermais le document furent "putain de merde", très profonds comparés à la violente déclaration magnifiquement désespérée que je venais de lire. Je me sentais coupable mais chanceuse et ces deux sentiments provoquaient en moi un curieux mélange. C'était une sorte de doux acide dans lequel je m'étais plongée sans hésitation.

    Personne n'avait jamais écrit ce genre de choses pour moi. Personne ne m'avait jamais à quel point il aimait mes yeux. Personne ne m'avait jamais comparée à une tempête. Point positif de mon manque de déclarations, personne ne m'avait jamais largué. Et si mon statut d'éternelle célibataire me convenait parfaitement jusqu'à maintenant, j'étais forcée de constater que ce genre de mots ne m'aurait pas déplu. 

    La fille qui était la destinataire de cette clé usb pikachu était décidément chanceuse.

    D'ailleurs est-ce qu'elle avait lu son contenu ? Ou est-ce que le petit objet s'était perdu avant même d'avoir atteint sa destination ? Si oui alors c'était vraiment dommage, si j'avais été elle, je serais retombée dans les bras de celui qui m'avait écrit.

    En parlant de ça, qui était-il ? Le mystérieux poète qui à foutu son cœur brisé sur une clé usb de gamin. La seule chose dont j'étais sûre c'est qu'il étudiait ou qu'il avait étudié au même lycée que moi. Problème, on devait être environ 600 à côtoyer le même établissement scolaire. Et sur les 600, je parlais à presque personne. 

    Mais quelle merde. Je me torturais l'esprit pour des mots qui n'étaient pas pour moi, il fallait que je me sente moins concernée si je voulais lire la suite. Là tout de suite je n'étais de toute façon pas émotionnellement prête pour un nouveau mot, je devais attendre un ou deux jours.

    Il était environ 22 heures, mon père travaillait de nuit et ma mère ainsi que mon frère dormaient surement déjà. Il était trop tôt pour que je me couche moi aussi, j'aimais bien la nuit: c'était calme et apaisant. J'avais besoin de sortir, de marcher, courir, faire du vélo ou n'importe quoi mais je devais quitter cette pièce. Alors je le fis, attrapant une grosse veste, un bonnet et mes écouteurs et m'extirpai discrètement de chez moi en passant par la fenêtre : heureusement que ma chambre était au rez de chaussé car j'avais le vertige et je n'étais pas le genre de fille intrépide qui sautent des fenêtres et atterrissent miraculeusement en un seul morceau. 

    Mon quartier était essentiellement composé de résidences de vieux, comme si les anciens étaient une espèce à part qu'on devait réunir et parquer ensemble. Au lieu de trouver ça carrément déprimant, j'adorais ça : j'aimais bien les personnes âgées. Pour leur façon de parler, leurs histoires souvent incomplètes, les gâteaux qu'ils t'offrent quand tu viens leur rendre visite, leurs grands sourire édentés, les marques du temps sur leur visages, leurs petites habitudes, leur façon de relativiser et tout ce qui fait qu'un vieux est vieux. J'aurais aimé ce soir là, sonner à la porte de l'un d'entre eux pour leur raconter ma trouvaille mais les vieux dormaient plus que les ados alors ce n'était pas la peine.

    Au lieu de ça j'ai marché les mains dans les poches, les écouteurs dans les oreilles mais sans musique en émanant, juste le bruit de mes pas sur les feuilles mortes. Au rond point au bout de mon quartier, je me suis arrêtée, posant mes fesses sur l'herbe humide au centre de l'infrastructure : c'était désert. J'ai réfléchis à tout et n'importe quoi, la situation économique du Vietnam (même si je n'y connaissais rien, je savais à peine où ça se situait), la recette du poulet frit de KFC, le fait que les filles jolies ne savent en général pas vraiment qu'elles le son, à quel point j'étais dans la merde pour mon prochain devoir d'histoire et à cette putain de clé usb pikachu. Au final mes réflexions n'étaient pas constructives alors je suis rentrée chez moi, agacée.

    Et je me suis endormie, mon cerveau fatigué en ébullition alors que j'étais frigorifiée.

     


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  • Effectivement j'étais dans la merde pour mon devoir d'histoire : ça m'a sauté aux yeux lorsque le prof à posé le test sur ma table. "La guerre de Corée et ses conséquences". Alors le prof finissait de distribuer les feuilles, je me tournai rapidement vers Naomi:

    - Y'a eu une guerre en Corée ?

    Elle me regarda avec sévérité avant de chuchoter rapidement :

    - 1950 - 1953 : Corée du sud contre Corée du nord, le sud était soutenu par les aillés.

    Alors que j'allais lui demander qui étaient les alliés, Monsieur Benson annonça le début du test et je dus me retourner.

    Je ne savais pas non plus qui avait gagné cette foutue guerre alors j'expliquais rapidement que la Corée était sortie victorieuse. Peut être que ça pouvait passer. J'avais passé deux heures à écrire des informations basiques et carrément logiques comme par exemple : "il y eu beaucoup de morts et les deux pays furent un peu détruits". Je me voyais déjà au chômage et à la rue, j'étais complémentent désespérée. J'essayai même de prier alors que j'étais athée, espérant une réponse ou un illumination de n'importe quelle divinité mais rien ne vint. Non,j'allais définitivement avoir une note de merde.

    La sonnerie annonçant la fin des cours abrégea finalement mon calvaire et Naomi, qui bien sûr avait réussi brillamment son test me demanda comment le mien s'était passé.

    — Hum, il s'est passé.

    — Non sérieusement Tay ?

    — Je me suis super appliquée pour écrire, j'espère qu'il en tiendra compte.

    La métisse face à moi laissa échapper un soupir de désespoir alors qu'on sortait de notre salle de torture : Naomi était le genre de fille brillante pour qui tout est inné : elle avait beaucoup de mal à comprendre que les études pouvaient être un calvaire pour des gens. Comme moi par exemple. Elle avait maintes et maintes fois essayé de m'aider en me donnant des cours de soutien dans les matières dans lesquelles j'avais du mal -c'est à dire presque toutes, mais ma meilleure amie était dotée d'une patience négative et ça finissait par nous énerver toutes les deux.

    Pourtant je savais que j'étais loin d'être stupide. J'veux dire, les gens ont différentes formes d'intelligence, je n'avais juste pas encore trouvé la mienne. Ou alors si ça se trouve j'étais vraiment bête et ma plus grande bêtise était d'être persuadée du contraire ? Les gens les plus stupides ne savent pas qu'ils le sont, c'est comme pour les jolies filles. Non, ce genre de réflexions demandaient un minimum d'intelligence.

    Je déposai mes cahiers dans mon casier avant de me diriger d'un pas rapide vers la cafétéria, mon havre de paix dans l'enfer que représentait mon lycée.

    Une fois installée en face de ma meilleure amie, celle-ci se mit à me raconter ses plans pour le week-end alors que je ne l'écoutais que d'une oreille distraite: pas que ce qu'elle disait ne m'intéressais pas, non c'était une discussion comme une autre, j'étais juste trop concentrée sur mon assiette pour participer activement. Et ça aurait pu durer longtemps si deux grandes mains ne s'étaient pas poser brusquement sur mes épaules, me faisant sursauter et faisant sourire Naomi.

    — Comment va ma sœur préférée ?

    — Je suis ta seule sœur Luke. Qu'est-ce que tu veux ? Demandai-je en me retournant vers mon grand frère.

    Il se tenait debout derrière moi avec un sourire hypocrite, ses yeux bleus, les mêmes que les miens, me fixant d'un air rieur. Il ne m'adressait jamais la parole au lycée, d'ailleurs certaines personnes ignoraient même qu'on était de la même famille alors il devait forcément avoir quelque chose à me demander pour venir me voir.

    — Bah t'sais c'est l'anniversaire de Michael vendredi et on a le prévu de le fêter à la maison.

    — Et vu que t'as pas de couilles t'oses pas demander aux parents, c'est ça ?

    Sa mâchoire se crispa alors que ses trois meilleurs amis pouffaient de rire derrière lui. J'avais raison, il voulait que je demande à sa place, sinon il ne m'aurait pas laissé piétiner sa fierté sans rien dire.

    — Ok mais Nao vient aussi, soupirais-je en capitulant.

    — Si tu veux, merci Taytay.

    Je détestais ce surnom, c'était aussi ridicule que c'était niais.

    — De rien, Lucas.

    Il avait horreur qu'on l'appelle par son vrai prénom: c'était la raison pour laquelle je prenais un malin plaisir à le faire.

    Mon frère m'adressa un doigt en retournant vers ses amis qui me remercièrent avec un grand sourire. Surtout Michael, un grand punk aux cheveux actuellement roses qui n'avait de rebelle que l'appellation: en même temps il avait intérêt à me dire merci puisque j'allais sauver sa soirée d'anniversaire.

    Une fois les quatre mousquetaires hors de notre champ de vision, Naomi laissa échapper un petit cri aigu :

    — Mon dieu Taylor, tu sais que je t'aime ?

    — J'ai pas fais ça pour que tu passes la soirée avec mon frère, tu dois me tenir compagnie.

    Ma meilleure amie n'avait d'yeux que pour Luke et parfois c'était vraiment agaçant : lorsqu'elle ne parlait pas d'études, elle parlait de lui sauf que, malheureusement pour elle, il ne semblait pas vraiment réceptif à ses tentatives pour attirer son attention. Naomi n'était juste pas son genre de fille -même si il n'était pas dit qu'il en ait un, mais je n'avais pas eu le courage de lui dire.

    Elle acquiesça, un peu déçue, mas sans pour autant ôter son grand sourire de son visage d'ange.

    + + +

    Je me sentais encore coupable à l'idée de lire des mots qui ne m'étaient pas destinés mais, encore une fois, j'ouvris quand même l'un des documents word que contenait la clé usb. Celui ci s'appelait "arguments" et était un peu plus court que le premier que j'avais lu.

    "Tu m'as quitté aujourd'hui. Entre le cours de géographie et le cours de sport, devant tes idiotes de copines qui nous fixaient avec leur faux airs surpris. Tu m'as dit qu'on était pas fait l'un pour l'autre et que tu préférais t'arrêter là avant de me faire du mal. Trop tard, tu venais d'arracher mon cœur et de le jeter à tes pieds. Ton petit sourire désolé sonnait aussi mal que tes arguments pré-fabriqués. 'Je te mérites pas, t'es trop bien pour moi, j'espères que tu trouveras quelqu'un d'autre qui t'aimeras autant que tu dois l'être, j'aurais aimé être cette personne.' Un joli ramassis de connerie sorti de la bouche d'une jolie fille. Le pire dans tout ça c'est que j'ai l'impression que c'est de ma faute, que c'est moi qui n'étais pas assez bien pour toi. J'avais toujours l'impression que je te méritais pas, j'veux dire, t'es une vraie bombe et moi je suis juste un imbécile qui se fait charrier par ses potes parce qu'il est amoureux. Parce que oui, j'étais amoureux. Je suis amoureux enfaite parce que je pense que c'est pas le genre de truc qui guérit en à peine dix heures... C'est ridicule, je parle de ça comme si c'était une maladie. Quoique oui, puisque t'aimer est nocif. Je crois que je l'ai toujours su, j'avais toujours l'impression que je tenais plus à toi que tu ne tenais à moi et pourtant ça m'empêchait pas de rester. T'es une sorte de putain de rhume qui s'est transformé en embolie pulmonaire et moi je suis un putain asthmatique. J'ai envie de te dire que je te déteste, que t'es la pire des connasses et que je ne veux plus jamais t'adresser la parole mais je sais que si tu reviens je te retomberais dans les bras. En attendant je crois que je vais noyer ma crise d'asthme dans de la glace et de la vodka.

    Sincèrement déprimé,

    XXX"

    Je ne savais pas vraiment si c'était la fatigue ou la tristesse de ses mots mais les larmes s'étaient misent à couler abondamment sur mes joues. J'avais vraiment l'impression d'être devant une tragédie romantique et chaque phrase était, même quand il y avait des insultes, plus jolie mais plus triste que la précédente.

    Alors que j'étais entrain de relire une deuxième fois la "lettre", mon téléphone vibra à côté de moi.

    de "lucas le débile" à moi :

    "yo sœurette, t'as demandé aux parents ?"

    C'est clair que ce n'était pas mon frère et ses "yo" qui allait écrire des mots dignes d'un roman de John Green à la fille qu'il aime. Ni lui ni ses idiots d'amis.

    Je soupirais en me levant: j'avais dis que je le ferais et même si ça m'emmerdait, je n'étais pas le genre à ne pas respecter mes engagements.

    Mes parents étaient avachis comme des ados sur le canapé du salon entrain de regarder les infos. Lorsqu'elle me vit, ma mère fronça les sourcils et me demanda d'une mine inquiète:

    — Ça va ma chérie ? T'as pleuré ?

    Alors que je m'apprêtais à la rassurer sur la cause de mes larmes, une idée de génie germa dans mon esprit:

    — T'inquiètes pas c'est rien, c'est juste que c'est compliqué au lycée en ce moment. 

    Ce n'était pas plus compliqué que d'habitude, à part mes mauvais résultats, tout allait bien.

    — Oh ma belle, tu sais tu peux nous en parler, déclara mon père en se redressant.

    — J'ai plutôt besoin de me vider la tête enfaite, du coup Luke m'a proposé de faire une petite fête, un p'tit truc hein, vendredi soir. 

    Ma génitrice fronça les sourcils et demanda :

    — Il y'aura qui ?

    — La bande d'attardés de Luke et cinq ou six autres personnes.

    Mensonge mensonge mensonge: il avait prévu d'inviter la moitié de sa promo. Voyant que ma mère n'était pas vraiment convaincue, je sortis ma carte joker, mon argument infaillible, ma bombe nucléaire:

    — Et Naomi. 

    Boom.

    Naomi était une sorte de réincarnation d'Einstein et de Gandhi dans le même corps selon mes parents alors ils ne tardèrent pas à céder, m'expliquant qu'ils allaient en profiter pour partir en week-end chez des amis. Ils pouvaient bien faire ce qu'ils voulaient, tant qu'ils n'étaient pas là ça m'allait. Je les remerciais avec un grand sourire et montai les escaliers quatre à quatre pour aller prévenir mon frère que j'avais réussi ma mission. Avant d'entrer dans sa tanière je séchais le reste de mes larmes.

    Il était allongé sur son lit et pianotait sur son téléphone. Il leva sa tête blonde vers moi et m'adressa son sourire d'imbécile heureux:

    — Alors ?

    — C'est bon.

    Il se laissa tomber sur son matelas en levant le poing en signe de victoire.

    — Merci, t'es cool quand tu veux. Mike va être super content.

    Je ne savais pourquoi je faisais ça pour lui, rendre "Mike" "super content" m'importait peu et je n'étais pas une fêtarde de la première heure, loin de là. Alors la raison pour laquelle je sacrifiais le calme de mon vendredi soir m'échappait totalement mais le sourire stupide de mon frère, alors qu'il était surement entrain d'annoncer la réussite de l'opération à ses amis encore plus stupides, le valait bien.


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  • Vendredi.

    D'habitude j'aimais bien le vendredi. Parce que "le vendredi c'est spaghettis" et parce que c'est le week end. Sauf que voilà, Lucas Robert Hemmings aka mon imbécile de frère qui a servit de brouillon a ma création avait fait rimé ce jour avec "super fête d'anniv de Mikey". Et je n'aimais pas les fêtes.

    Seul point positif de cette journée, je n'avais cours que le matin. 

    Encore un point négatif: j'avais histoire. 

    Alors que je m'enfonçais mollement dans ma chaise, une pile de feuilles attira mon attention sur le bureau de monsieur Benson. Mon arrêt de mort rédigé au stylo rouge. Derrière moi Naomi ne tenait pas en place, ayant vu les copies elle aussi: c'était facile pour elle, elle était brillante. Elle allait surement me sermonner en voyant ma note qui serait surement mauvaise, le lycée m'avait appris à ne pas me faire trop d'illusions là dessus.

      — Bon, déclara le professeur en passant une main dans ses cheveux poivre et sel, j'ai corrigé vos tests. Il y'a du bon mais beaucoup de moins bon.

    J'aurais juré qu'il m'avait lancé un regard en disant cela.

    Il distribua "nos chefs d'œuvres" et son regard s'illumina alors  qu'il se tournai vers ma meilleure amie.

      — Mademoiselle Etcheverry, dit-il en prenant son meilleur accent français, c'est excellent, votre problématique est vraiment intéressante et on voit que vous maîtrisez très bien le sujet.

    Je levai les yeux et fit un mouvement obscène avec ma langue pour montrer que cet homme était un suc- un lèche bottes mais me stoppai lorsqu'il prononça mon nom.

      — Mademoiselle Hemmings. La prochaine fois faites un geste pour la planète et ne gaspillez pas une feuille de l'encre pour écrire ça. 

    F.

    C'était peu.

    Mes parents allaient m'arracher la tête et Luke allait se foutre de ma gueule. Je fourrai ma copie dans mon sac et posai ma tête sur ma table, attendant que le cours passe. 

    + + +

    La cloche sonna enfin la fin de l'heure et je me précipitais dehors pour éviter mon enseignant qui voulait me parler. C'était sans compter sur Naomi, cette traitresse qui me tira par le bras pour me ramener dans la salle.

    Je lui marmonnais un petit "je te hais" avant qu'elle ne s'éclipse avec un grand sourire.

    Monsieur Benson se racla la gorge et sembla chercher ses mots.

      —  Je sais que c'est nul, vous pouvez être direct, j'ai l'habitude, râlai-je en soupirant, mentionnant mon devoir froissé au fond de mon sac à dos.

      — Oui c'est nul. Parfois je me demande même si vous assistez vraiment à mes cours.

    Un tact légendaire ce monsieur.

      — Mais avec d'autres professeurs on a discuté.

    Génial.

      — Et vu que tout le corps enseignant éprouve des difficultés avec vous, on s'est dit que ce serait pas mal que vous ayez un tuteur.

    Pas "tout le corps enseignant" quand même il exagère. Puis je tiltai. Un tuteur ?

    Je le regardai avec de grands yeux, pas vraiment sûre d'avoir compris. Mais si, c'était bien ce que j'avais entendu.

    Il fit entrer une fille. Jolie. Blonde aux yeux bleus, des jambes interminables, c'était moi en beaucoup mieux. Le genre de personne qui te fait douter de ta sexualité quand tu poses le regard sur elle.

    Monsieur Benson me la présenta mais je ne l'écoutai pas vraiment, pour changer, j'étais obnubilée par la déesse en face de moi. Elle allait finir par croire que j'étais lesbienne alors je me ressaisis lorsqu'elle me tendis la main. 

      — Tu peux m'appeler Emy, ou Em, comme tu veux.

    Même sa voix était mignonne.

     + + +  

      — Coucou ma chérie, ta matinée s'est bien passée ? Me questionna ma mère alors que je fermais la porte d'entré derrière moi.

    J'haussai les épaules, répondant un "comme d'hab" que je voulais convainquant, évitant de m'attarder sur le sujet. Ma mère était prof aussi mais heureusement pour moi, elle n'enseignait pas dans mon lycée donc lorsque j'avais de mauvaises notes elle ne le savait pas. En tout cas pas immédiatement.

      — Ton père rentre dans une heure, tu veux qu'on fasse quelque chose en attendant ? 

      — Hum, je comptais aller voir Ava, répondis-je depuis ma chambre.

      — Oh. Oui, d'accord. Passes lui le bonjour de ma part.

    J'aquiescai alors que ma génitrice ne pouvait pas me voir et attrapai la clé usb pikachu que je cachais sous le pot de la plante posée à côté de mon lit. Ava était une vielle dame de 87 ans qui habitait la maison en face de la mienne. Malgré nos 70 ans de différence, c'était l'une des personnes avec lesquelles j'aimais passer du temps parce que je savais qu'elle avait vécu trop choses pour me juger et que la majorité du temps elle me comprenait quand ce n'était pas le cas des autres. Et aussi triste que ça pouvait paraître, c'était rarement le cas des autres.

    Ma mère désespérait un peu que je passe la plupart de mon temps avec des gens âgés au détriment de personnes de ma génération. A part Naomi je n'avais pas vraiment d'amis de mon âge. Certes j'avais des connaissances que j'appréciais mais pour des raisons inconnues, ce n'était pas pareil. 

    Je sortis de chez moi rapidement, rabattant ma veste contre mon visage pour me proteger du vent et traversai la route, déserte à cette heure, qui me séparait de la petite maison aux volets rouges. Je toquais quatres coups lents à la porte, notre sorte de code, et la voix aiguë d'Ava O'Ryan m'intima d'entrer.

    Ce fut d'abord ses trois chats qui m'accueillir lorsque que je m'engouffrai dans le petit hall d'entrée: James, parce que la vielle dame était fan de James Dean, E.T., parce qu'elle adorait le film et Taylor. Ce dernier avait été nommé en mon honneur et c'était la raison pour laquelle il était mon préféré: certes il n'avait pas l'air malin et mangeait comme 4 mais selon sa maîtresse il était drôle et sensible, comme moi. Quand elle m'avait dit ça je m'étais mise à pleurer parce que j'étais touchée et avait ensuite répondu que je n'étais pas si sensible que ça.

    Je retirais ma veste et mes chaussures en caressant la tête des trois félins avant de me précipiter dans la pièce à vivre ou Ava m'attendait. Elle m'adressa un grand sourire et me fit signe de m'installer sur le fauteuil en face du sien. J'avais passé tellement temps assise dans ce fauteuil que l'assise avait la marque de mes fesses. 

      — Comment ça va ? Lui demandai-je en attrapant le paquet de cookies sous la table basse.

    Elle haussa les épaules avant de répondre:

     — Mon fils est passé hier matin, il m'a parlé d'un complexe pour retraités ou quelque chose comme ça. La brochure est sur la table du salon si tu veux.

    Je fronçai les sourcils avant d'attraper le dit prospectus et de me rasseoir. Une maison de retraite. Le papier présentait des vieux qui souriaient avec des infirmières qui avaient l'air de vivre leur meilleure vie dans un décor d'hôpital.  

      — Et vous lui avez dit que ça ne vous intéresse pas ?

      — Bien sûr mais cet imbécile croit que je suis folle alors il ne prend pas vraiment compte de ce que je dis et me parle comme si j'avais 5 ans. Je suis vielle, pas débile, déclara t-elle avec agacement.

    J'eus un petit rire, les yeux toujours rivés sur la brochure. 

      — Et puis je pense qu'on ne vous accepterait pas là bas, déclarais-je en prenant un cookie.

     — Pourquoi ?

      — Au bout d'une semaine les aide soignantes en auraient marre de vous.

    Elle leva les yeux au ciel mais sourit tout de même:

     — Petite insolente. 

      —  Et puis moi j'accepterais pas non plus que vous partiez, marmonnai-je assez fort pour qu'elle m'entende.

     Elle eu un air attendrit et se pencha pour serrer mes doigts dans sa main chaude.

     Son fils était un idiot qui voulait récupérer sa maison, son mari était mort il y'a dix ans alors j'avais l'impression qu'elle avait besoin de moi. Et j'aimais ça, j'aimais me dire que je pouvais être la raison de son sourire édenté alors que sa vie était souvent triste et hors de ma portée. Ça me faisait me sentir importante pour quelqu'un.

      — Et toi alors, comment ça va ? 

    J'haussai les épaules, ne sachant pas vraiment par où commencer. Mes notes de merdes, mon incapacité à être sociable, mes interrogations stupides ou la clé usb pikachu que j'avais dans la poche. Cette dernière option me semblait la bonne alors je me penchais vers elle et déclara comme un secret:

     — Y'a pas longtemps j'ai trouvé une clé usb dans une boîte d'objets trouvés. Je ne sais pas vraiment à qui elle est mais à l'interieur y'a des lettres dignes de Shakespeare.

    Je savais bien qu'elle ne savait pas vraiment ce qu'était une clé usb alors je sortis le petit objet de ma poche pour lui montrer. 

     — Oh, je le connais lui, je t'avais offert une peluche comme ça pour tes 7 ans, s'exclama t-elle en désignant le Pokémon.

    J'hochais la tête en souriant, amusée qu'elle s'en souvienne et me levai pour aller chercher son ordinateur portable.

    Elle s'en servait rarement, seulement quand j'étais là pour qu'on regarde des films ensemble et encore, c'était souvent moi qui l'utilisait. Je le démarrais et insérais la clé dans le port.

    Le dossier "mots pour elles" s'ouvrit.

     — Choisissez un mot parmi ceux là.

    Elle plissa les yeux et s'approcha de l'écran avant de répondre 'attentions'. Je cliquai et commençai à lire à voix haute sous l'oreille attentive d'Ava qui s'était réinstallée convenablement dans son fauteuil.

    "Tout à l'heure en faisant le tri dans mes affaires j'ai retrouvé une boîte à chaussures avec des dizaines d'avions en papiers à l'intérieur. Tu te souviens des avions en papiers ? C'était le seul pliage que je savais faire et encore, les miens ne volaient pas vraiment. Je les ai dépliés, sachant pertinemment que ce n'était pas l'extérieur qui était le plus intéressant. C'est jamais l'extérieur qui devrait compter, c'est toi qui m'a appris ça, un peu malgré toi. 

    J'ai passé plusieurs heures à lire et à relire ces foutus avions en papier sur lesquels je t'écrivais des petites attentions presque tout les jours. "T'es jolie aujourd'hui, t'es toujours jolie", "pourquoi tu souris pas, ça te va si bien?", "t'es formidable", "j'ai de la chance de t'avoir", "tu me pousses à être une meilleure version de moi même", "je t'aime". Et toi tu souriais quand tu les lisais et tu répondais "moi aussi j'ai de la chance de t'avoir", "je t'aime aussi". Et j'étais le garçon le plus heureux du monde. 

    Sauf qu'aujourd'hui ça m'a fait mal de les relire. Déjà parce qu'enfaite c'était super niais mais surtout parce que ces avions en papier faisaient toujours le même trajet: de moi à toi, une petite escale le temps que tu répondes, puis de toi à moi, tu me renvoyais mes sentiments et mes avions qui volaient mal à la figure sans jamais que tu en soit à l'origine. Peut être que je dramatise. Peut être que c'est juste des mots sur des bouts de papier. Mais pour moi c'était tellement plus que ça. Ça à toujours été plus que ça. Au fond peut être que je devrais les brûler.

    Oui, je pense que vais faire ça.

    De toute façon j'aime pas les avions, je préfère les bateaux.

    Sincèrement mélancolique,

    XXX.

    Je relevai la tête de l'écran et demandai silencieusement son avis à Ava.

      — J'arrive pas à savoir si je trouve ça tristement joli ou joliment triste, déclara t-elle après s'être raclé la gorge.

    J'haussai les épaules, ne sachant pas vraiment non plus. C'était bizarre de partager les lettres d'un inconnu pour une inconnue à quelqu'un d'autre. 

     — Rassures, c'est pas toi la grognasse pour qui ça a été écrit ? Me demanda t-elle sévèrement.

      — Non c'est pas moi. Je lis des mots qui me sont pas destinés. Et je sais que c'est pas bien mais plus je les lis plus j'ai envie de les lires et moins je comprends pourquoi la fille à plaqué celui qui a écrit ça.

     — Et tu n'as aucune idée de qui il s'agit ?

     — Non. D'un côté je meurs d'envie de savoir mais de l'autre non. 

     — Pourquoi ? 

    — Je sais pas vraiment. J'ai l'impression de me sentir un peu trop concernée par tout ça alors que je ne le suis absolument pas. Et puis, on m'a jamais dit ou écrit ce genre de chose à moi. On m'a jamais prêté autant d'attention alors... c'est bizarre.

      — Moi je te prête de l'attention pourtant.

     — Vous pourriez être ma grand-mère, c'est différent. Lui...

    Elle hocha la tête.

      — Tant que tu ne sais pas qui est l'auteur de tout ça je pense que ce n'est pas malsain. Vois ça comme une sorte de film romantique et dit toi que c'est fictif comme ça tu ne seras pas trop touchée.

     — Et si je découvre qui c'est ?

      — Il n'y a pas de raison, ce sera un secret entre nous deux.


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  • Je rentrais chez moi deux heures après, entre temps mes parents étaient partis et Luke était rentré. Ce dernier déboula dans ma chambre et s'écrasa sur mon matelas en soupirant. 

      — Je sais pas quoi mettre pour ce soir. 

    Je roulais des yeux depuis ma chaise de bureau, pire qu'une fille.

     — En quoi ça me concerne ?

    Il se redressa et jeta un coup d'œil autour de lui comme s'il découvrait ma chambre avant de répondre avec un ton de gosse capricieux:

    — Tu veux pas m'aider ?

    — Je te rappelle que la dernière fois tu m'as dit que je m'habillais comme une merde alors tu peux rêver.

    —  Roooh, t'es susceptible, pour une fille tu t'habilles mal mais sinon t'as des goûts cools.

    On me disait souvent que j'étais pas très féminine, voire pas du tout. Les gens me traitaient même parfois de tomboy. C'était à peine excessif mais je refusais de leur donner raison.

     — Je vois pas en quoi.

     — Tay, tu portes des bonnets en été et t'es plus masculine que la moitié de mes potes.

    — Alors d'abord les bonnets c'est confortable et excuses moi mais c'est pas très compliqué d'être plus virile que tes potes.  

      — C'est ce que je disais t'es susceptible.

    — Va chier Lucas.

    Il ricana et s'assit en tailleur avant de me fixer avec des yeux de chien battu. Je detestais quand il faisait ça, il me faisait de la peine.

    — Alors, tu m'aides ?

    — Dégage.

    + + +

    J'avais finalement cédé et étais actuellement entrain de fouiller dans le placard de mon frère, tentant, en vain de trouver un pantalon qui n'était pas un jean slim noir troué.

      — Mais c'est pas possible, t'as que ça ou quoi ? 

      — Non, j'ai des joggings aussi si tu veux.

    Je me massais les tempes, exaspérée par son comportement d'enfant et attrapai le seul jean qui n'avait pas de trous aux genoux avant de lui lancer à la figure. Je lui tendis ensuite un t-shirt blanc et ses doc martens bordeaux.

    Il s'habilla puis se posta devant son miroir avant de commencer à lancer des regards charmeurs à son reflet. Quel idiot.

    Puis, une fois totalement séduit par lui même, il se tourna vers moi et me lança avec un faux air surpris:

      — C'est vrai qu'on se ressemble pas du tout... Genre moi je suis super beau et toi t'es...

      — Ta gueule. 

    Il rit avant de s'avancer vers moi à grandes enjambées et m'attrapa les joues entre ses pouces et ses index.

    — J'déconne, t'es mignonne dans le genre "je suis une sauvage".

    — Gnagnagna, l'imitai-je en faisant une grimace.

    En réalité je detestais qu'on me compare à mon frère. Il était tout ce que je n'étais pas, beau, populaire et sûr de lui. Et même si je disais à qui voulait l'entendre que je préférais crever qu'être comme lui ça ne m'aurait pas vraiment déplu. Aux yeux de beaucoup de gens j'étais la pâle copie un peu rigolote du grand Lucas Robert Hemmings. Je sais pas si lui en était conscient. Surement pas, il était pas du genre observateur.

    + + +

    Naomi arriva à 20h00 pile et c'est Luke qui lui ouvrit la porte, persuadé que c'était ses potes. Mais non, ma meilleure amie était ponctuelle, ce qui n'était pas le cas des siens. De ma chambre j'entendis la voix horriblement mièvre de la métisse alors qu'elle s'adressait à mon frère, c'était hallucinant à quel point elle changeait du tout au tout face à lui, limite flippant. Deux minutes après elle débarqua dans ma chambre vêtue d'une petite robe noire et maquillée comme si elle allait à son bal de promo. A côté moi, mon short de pyjama et mon maillot de basket trop grand puisqu'appartenant à mon frère, on faisait vraiment tâche.

      — Euh, Nao, t'es au courant qu'on participe pas à la soirée ?

    Elle garda son grand sourire et répondit :

    — Ouais, j'avais juste envie de m'habiller un peu autrement.

    Elle avait clairement l'intention de s'incruster à la soirée.

    Elle s'installa sur mon lit en enlevant ses chaussures alors que j'attrapais mon ordinateur.

    — Alors, tu veux qu'on regarde quel film ? Demandais-je en démarrant internet.

    — Tout sauf Fight Club.

    — T'es nulle, c'est génial Fight Club ! Rétorquai-je en me renfrognant un peu.

    — La seule chose géniale dans Fight Club c'est Brad Pitt. 

    Je levai les yeux au ciel alors que Naomi commençait à taper le nom d'un film dans la barre de recherche Google.

      — Ah non hein ! Pas Grease ! On l'a déjà vu une centaine de fois, m'exclamais-je.

      — T'es toujours dans l'excès, et puis c'est déjà mieux que Fight Club, soupira-t'elle tandis qu'elle mettait le film en route. Maintenant chut.

    Je mimais un suicide au revolver alors que je me levai pour aller fermer la porte. Les invités de mon frère commençaient à arriver et je n'avais pas envie que des ados déchirés et bruyants entrent dans ma chambre.

    + + +

    Je crois que je me suis endormie au bout de 20 minutes du film. De toute façon je le connaissais par cœur et c'était pas vraiment une grande perte. A mon réveil il était 22h30 passées et Naomi n'était plus à côté de moi. Je lâchais un long soupir d'agacement avant m'allonger complètement sur mon lit. Ma meilleure amie était une traîtresse, elle était surement allée rejoindre la fête dès qu'elle fut sûre que j'étais endormie. Je n'avais pas envie de sortir de ma chambre et de me prendre la tête à aller la chercher: au fond c'était une grande fille, elle était libre de faire ce qu'elle voulait. 

    Je commençais à avoir une migraine pas possible, la musique qui émanait du salon était trop forte et je l'entendais bien trop distinctement, même avec la porte fermée. Et quand je pense que c'était grâce —ou à cause de moi que cette fête avait lieu ici. 

    Je tournais la tête vers mon ordinateur qui affichait toujours le site de streaming. Je lançais un petit regard à la porte de ma chambre fermée et attrapait la clé usb pikachu.

    C'était devenu presque un rituel à force.

    Je cliquais sur "mirage".

    "T'es le genre de fille qu'on voit dans les films, tu sais, le genre cheerleader qui sort avec un quaterback populaire mais un peu con. Sauf que tu n'est pas cheerleader et je ne suis pas un quaterback populaire. Par contre je dois être un peu con puisque je suis tombé amoureux de toi. Tout mes potes me charriaient avec ça au début, selon eux t'étais inaccessible, une sorte de fantasme et moi j'étais moi, je te regardais passer dans les couloirs et je fixais ton dos pendant les cours de maths. T'étais accessible comme un mirage et moi je saisissais pas trop ce concept. Alors c'est peut être pour ça que-"

    Je n'eus pas le temps de lire la suite que la porte de ma chambre s'ouvrit. J'eus juste le temps de retirer la clé usb et de fermer la page.

    C'était deux des amis de mon frère. Le chinois et le bouclé avec des fossettes mignonnes. J'arrivais jamais à retenir leurs noms.

    Il y eut un blanc pendant lequel ils me fixèrent et je les fixais en retour. Le bouclé, Ash ou quelque chose comme ça avait l'air un peu éméché et se mit à sourire comme un idiot avant de demander en entrant dans ma chambre:

      — T'es toute rouge, tu faisais quoi ?

    Je lisais des lettres d'amours qui ne sont pas pour moi.

    — Ça te concerne pas.

    — Tu regardais un porno ? Demanda t-il toujours en souriant.

     Mes joues devinrent encore plus rouges et je m'empressais de démentir en expliquant je me m'apprêtais à regarder Fight Club.

      — Ooooh, j'adore Fight Cluuuub moi aussi.

    Il s'avança encore un peu plus vers moi sous l'air ennuyé de son ami.

      — Ash laisse la tranquille, t'es complètement bourré, soupira ce dernier en s'adossant contre le cadre de ma porte.

    —  Mais moi aussi je veux regarder Fight Club, râla le fameux Ash avec une moue d'enfant.

    — Ouais mais Mini Hemmings aimerait finir de regarder son porno tranquille et là tu l'embêtes, expliqua l'asiatique en croisant les bras contre sa poitrine.

    Je froncais les sourcils et le détaillai rapidement avant de rétorquer:

      — M'appelles pas "Mini Hemmings".

      — Bah t'es une Hemmings et t'es petite alors je trouve que ça te va bien, répondit-il sarcastiquement. En soi ses paroles n'étaient pas méchantes mais son ton l'était. Il me prenait clairement de haut.

    Je lui lançais un sourire hypocrite alors que je bouillonnais intérieurement. Je n'étais pas d'excellente humeur à la base alors ce gars et son air d'imbécile prétentieux n'aidaient pas.

      — Ok, Ching Chong.

    Il sembla agacé une demie seconde et si son ami qui nous regardait comme des extraterrestres ne s'était pas mit à applaudir suite à ma remarque je n'aurais pas su que ça l'avait blessé.

    — Allez Ashton, on va aller voir des gens un peu plus agréables.

    — Rooh Cal t'es un rabat joie. Moi je l'aime bien Taylor.

    — C'est parce que t'es bourré c'est pour ça, répondit-il en lui attrapant le bras.

    C'était quoi son problème ? Ce gars était un enfoiré fini. Je levai mon majeur dans sa direction et il haussa les épaules avant sortir de la pièce avec son ami qui ne marchait pas droit. Juste avant que la porte ne claque, la voix de ce dernier raisonna une dernière fois:

      — T'inquiètes Taytay, je reviendrais et on regardera un porno tout les deux.

    — JE REGARDAIS PAS DE PORNO PUTAIN ! M'écriais-je les joues rouges. 

    Je m'écrasais contre mon matelas en soupirant, tentant de calmer mon cœur qui battait trop vite. Je ne savais pas vraiment si c'était parce que j'étais énervée, parce que je trouvais Ashton mignon ou parce que j'avais honte qu'on croie que j'étais entrain de regarder du porno.

    "aaargh", râlais-je avant d'enfouir ma tête dans mon oreiller.

    + + +

    2h24.

    J'avais faim. Au départ j'avais essayé d'ignorer les gargouillements de mon ventre mais ça me tordait l'estomac et m'empêchait de dormir. La musique était moins forte mais toujours présente et il semblait il y avoir moins de monde alors je me décidai à sortir de ma tanière.

    Je traversai ma chambre dans le noir et ouvrit doucement la porte. J'étais à moitié endormie et lachai un long bâillement avant de m'engager dans le couloir puis d'arriver dans le salon. 

    Effectivement il y avait beaucoup moins de monde, seule une quinzaine de personnes était entrain de danser dont Naomi qui se trémoussait, un verre à la main. Evidemment Luke n'était pas bien loin, occupé à sautiller comme un débile avec une fille qui se frottait à lui.

    Je me dirigeai vers la cuisine en essayant d'être discrète mais à peine entrée dans la pièce, une tornade aux cheveux roses m'agrippa les épaules. Une bouteille de bière dans une main, une part de pizza dans l'autre il m'adressa un grand sourire:

    — Taaaaaaylor.

    Un peu gênée je me reculais un peu avant de lui adresser la parole:

    — Joyeux anniversaire.  

    — Merci ! Tu viens danser avec moi ?  

    Est-ce que lui aussi était bourré ou juste gentil ? Je déclinai gentiment l'invitation en expliquant que je ne savais pas danser et que j'étais juste là pour prendre de la pizza.

    — C'est pas grave, je sais pas danser non plus ! Et si t'acceptes je te donne de la pizza.

    — C'est du chantage.

    — Oui. Mais c'est de la pizza.  

    Je levai les yeux au ciel en essayant de dissimuler mon amusement et me laissa faire lorsqu'il m'entraîna à sa suite dans mon salon, sa propre part de pizza dans la bouche. 

    Il plaça ses mains sur ma taille tandis que, ne sachant pas vraiment ou mettre les miennes, je les mis dans les poches de mon short. Ça fit rire le coloré qui, effectivement, dansait très mal et je me détendis un peu. 

    Alors que la chanson touchait à sa fin, je sentis deux grandes mains s'abattre sur mes épaules. Michael sourit et je me tournai vers mon frère comme par automatisme.

    — On dirait un épouvantail quand tu danses, rit mon aîné.

    — Tu peux parler, toi on dirait que tu fais une crise d'épilepsie, répliquai-je en haussant les épaules.

    Je me retournai vers le coloré qui fixait mon frère en gloussant et lui réclamai mon dû. Il s'absenta quelques secondes et revint avec une boite à pizza pleine que je m'empressai d'attraper.

    Je remerciai Michael et m'éclipsai dans ma chambre alors que mon frère et son ami se mettaient à danser —enfin plutôt à sautiller ensemble.

     


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